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Contrôle des utilisateurs : Meta veut-il vraiment stocker les messages vocaux pendant 6 mois ?

Allégation : À partir du 28 février 2026, Meta prévoirait d’enregistrer automatiquement toutes les conversations vocales échangées via WhatsApp et Instagram, et de les stocker pendant six mois, selon une vidéo virale qui circule en ligne.

 

Peut-on encore se fier à la confidentialité de nos vocaux sur WhatsApp et Instagram ? C’est la question que soulève une vidéo virale publiée sur TikTok. Elle affirme qu’à partir du 28 février 2026, toutes les conversations vocales échangées sur les applications de Meta seraient automatiquement enregistrées et conservées pendant six mois. Une mesure qui, si elle était avérée, représenterait une intrusion massive dans la vie privée de millions d’utilisateurs.

Le message a suscité une vague d’inquiétude, certains dénonçant un projet de surveillance à grande échelle déguisé en innovation technique. Mais que dit réellement Meta sur le sujet ? Cette rumeur s’appuie-t-elle sur des éléments concrets ou s’agit-il d’une exagération virale de plus ?

AFRICHECK a analysé la vidéo, vérifié les sources disponibles et croisé les déclarations officielles pour séparer les faits des fantasmes. Voici le résultat de notre enquête.

Ce que dit la vidéo

La vidéo en question, publiée sur TikTok par le compte News, prétend révéler une décision controversée : à partir du 28 février 2026, toutes les conversations vocales échangées sur WhatsApp et Instagram seraient automatiquement enregistrées et conservées pendant une durée de six mois. Selon l’auteur de la vidéo, cette mesure serait actuellement en discussion en interne chez Meta, la maison mère des deux plateformes.

La séquence, montée avec des images et une voix off dramatique, alarme sur un contrôle généralisé des utilisateurs. Elle évoque une atteinte massive à la vie privée, sans apporter de documents, captures d’écran ou sources crédibles pour appuyer ses affirmations.

Dans les commentaires, beaucoup d’internautes expriment leur inquiétude, d’autres relaient l’information sans recul. En quelques heures, la vidéo gagne en visibilité, alimentant un climat de méfiance envers les technologies numériques et les grandes entreprises du Web.

Mais d’où vient réellement cette affirmation ? Existe-t-il une annonce officielle, une fuite de document ou une base légale confirmant ce scénario de surveillance généralisée ?

Vérification des faits

Aucune annonce officielle de Meta ne confirme un tel projet

L’une des premières étapes dans l’analyse de cette rumeur consiste à vérifier si Meta, maison mère de WhatsApp et Instagram, a publié une quelconque annonce allant dans le sens d’un enregistrement automatique et prolongé des messages vocaux de ses utilisateurs. Une exploration des sites officiels de la firme notamment la Meta Newsroom, les blogs de WhatsApp et d’Instagram  ne révèle aucune déclaration, article ou mise à jour de politique en lien avec une telle mesure.

De plus, une lecture attentive des conditions générales d’utilisation et des politiques de confidentialité actuellement en vigueur montre que ni WhatsApp ni Instagram ne prévoient de conserver les messages vocaux de manière systématique pendant six mois. Sur WhatsApp, les messages vocaux bénéficient du même niveau de chiffrement de bout en bout que les autres formes de communication (textes, appels), ce qui signifie que seuls l’expéditeur et le destinataire peuvent y accéder. Meta elle-même n’a pas techniquement accès à ces contenus une fois livrés ils ne sont ni conservés, ni analysés, ni stockés sur ses serveurs au-delà du temps nécessaire à leur transmission.

Côté Instagram, les échanges vocaux ne sont pas encore chiffrés par défaut, mais aucune clause actuelle n’évoque la mise en place d’un archivage automatique ou d’une durée légale de conservation de six mois pour les vocaux ou appels. En outre, aucune autorité de régulation, ni en Europe, ni aux États-Unis, n’a mentionné une quelconque obligation imposée à Meta en ce sens.

En somme, rien, à ce jour, dans les sources officielles disponibles, ne vient confirmer l’existence d’une décision, d’un projet ou d’une discussion interne chez Meta visant à enregistrer automatiquement les messages vocaux échangés via WhatsApp et Instagram à partir du 28 février 2026.

En particulier, Will Cathcart (directeur de WhatsApp) a récemment réaffirmé que le déploiement de nouvelles fonctionnalités (comme l’assistant Meta AI sur WhatsApp) ne compromet pas la confidentialité de la messagerie chiffrée. Ceci indique que la politique de confidentialité axée sur le chiffrement reste inchangée. De plus, aucune fuite crédible ou discussion interne vérifiable n’a émergé dans la presse spécialisée sur un projet de Meta de commencer à archiver tous les échanges vocaux des utilisateurs.

 

Aucune base légale pour autoriser un enregistrement vocal généralisé

Au-delà de l’absence de déclaration officielle de Meta, l’allégation selon laquelle toutes les conversations vocales sur WhatsApp et Instagram seraient enregistrées et stockées pendant six mois pose un sérieux problème de légalité dans de nombreuses juridictions.

Un examen des principaux cadres juridiques en matière de protection des données personnelles permet de constater qu’une telle mesure serait, en l’état, incompatible avec la législation en vigueur.

En Europe, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) interdit tout traitement de données sensibles sans le consentement explicite de l’utilisateur. Cela inclut les enregistrements audio privés. Une conservation automatique et centralisée des vocaux, sans autorisation préalable, violerait directement plusieurs articles du RGPD relatifs à la finalité du traitement, à la minimisation des données et à la durée de conservation. La CNIL en France, ou d’autres autorités européennes, n’ont à ce jour signalé aucun projet similaire ni changement réglementaire prévu pour février 2026.

Aux États-Unis, la California Consumer Privacy Act (CCPA) impose des obligations strictes aux entreprises technologiques, notamment en matière de transparence sur la collecte de données et le droit des utilisateurs à refuser certaines pratiques. Là encore, aucune disposition actuelle ne permettrait à Meta d’implémenter une telle mesure sans risquer de lourdes sanctions. Aucune annonce d’évolution législative dans ce sens n’est non plus signalée par les régulateurs.

En Afrique, des pays comme le Nigeria (avec la NDPR) ou le Kenya ont également renforcé leurs cadres réglementaires pour interdire l’enregistrement non consenti de communications privées. Même dans les pays moins couverts juridiquement, un projet de surveillance vocale de cette ampleur aurait vraisemblablement suscité une réaction politique ou médiatique  ce qui n’est pas le cas.

Par ailleurs, selon des experts en droit numérique interrogés dans différents médias spécialisés, la mise en place d’un tel dispositif de surveillance vocale nécessiterait une refonte majeure des politiques de confidentialité, une information claire et préalable des utilisateurs, ainsi qu’un cadre légal très encadré, notamment en cas d’exploitation à des fins judiciaires.

En résumé, aucune législation connue ne permet aujourd’hui à Meta de lancer un tel enregistrement massif des vocaux sans enfreindre les lois sur la vie privée dans plusieurs régions du monde. Aucune réforme réglementaire à venir, en Europe, aux États-Unis ou ailleurs, ne laisse présager une autorisation de cette pratique d’ici février 2026.

Meta a-t-elle déjà écouté ses utilisateurs ? Des précédents… très différents

Il est vrai que Meta (anciennement Facebook) a déjà été confrontée à des accusations d’atteinte à la vie privée, parfois liées à l’audio. En 2019, plusieurs enquêtes menées par Bloomberg, The Guardian et Reuters ont révélé que des sous-traitants de Facebook écoutaient et transcrivaient manuellement des messages vocaux envoyés via Messenger. Ces pratiques, menées sans transparence suffisante, ont suscité un tollé et conduit l’entreprise à y mettre fin.

Autre scandale majeur : l’affaire Cambridge Analytica, en 2018, où les données de dizaines de millions d’utilisateurs ont été utilisées à des fins de manipulation politique. Si cette affaire ne concernait pas les vocaux, elle a marqué un tournant dans la perception des pratiques de Meta en matière de vie privée.

Toutefois, ces cas passés reposaient sur des pratiques ciblées, souvent internes à une application (comme Messenger), et n’ont jamais concerné une surveillance vocale automatisée, massive et sans consentement, comme le prétend la vidéo TikTok. Aucun précédent ne montre que Meta aurait envisagé ou testé une collecte audio à cette échelle sur WhatsApp et Instagram.

 

4. Une collecte vocale mondiale : un cauchemar technique et logistique

L’allégation selon laquelle toutes les conversations vocales de milliards d’utilisateurs pourraient être enregistrées et stockées pendant six mois pose également de sérieux défis techniques.

WhatsApp compte plus de 2 milliards d’utilisateurs dans le monde, et Instagram dépasse le milliard. Chaque jour, des millions de messages vocaux sont envoyés. Stocker l’ensemble de ces fichiers représenterait des exaoctets de données à conserver, sécuriser, traiter et analyser  un volume colossale, même pour une infrastructure comme celle de Meta.

Des experts en cybersécurité interrogés par Wired ou TechCrunch rappellent que l’enregistrement et la conservation systématique d’audios chiffrés nécessiteraient :

  • La modification fondamentale du chiffrement de bout en bout actuellement utilisé par WhatsApp.
  • Des coûts de stockage astronomiques.
  • Un risque accru de fuite ou de piratage, avec des conséquences juridiques et réputationnelles majeures.

De plus, cela contredirait publiquement les engagements de Meta sur la protection de la vie privée et la confidentialité des échanges. Il est donc peu crédible, d’un point de vue technique et stratégique, qu’un tel projet soit sérieusement envisagé.

5. Une vidéo virale… sans aucune preuve concrète

Enfin, il est important de rappeler que la vidéo TikTok à l’origine de cette rumeur ne fournit aucune preuve tangible :

  • Aucun document interne de Meta n’est montré.
  • Aucune capture d’écran d’éventuelles discussions internes ou fuites n’est présentée.
  • Aucune source vérifiable n’est citée — ni déclaration, ni média spécialisé, ni expert indépendant.

Par ailleurs, aucun grand média tech ou cybersécurité (comme The Verge, Wired, TechCrunch, ZDNet, Motherboard, etc.) n’a relayé cette rumeur. Or, ces plateformes sont généralement les premières à détecter les fuites ou projets sensibles des GAFAM.

La vidéo s’appuie sur une narration alarmiste, des visuels dramatiques et un montage suggestif, sans éléments concrets. Il s’agit là d’une désinformation par insinuation, qui sème la peur sans reposer sur des faits.

 

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