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Leadership africain : l’ASG pose ses premiers jalons à Kigali

Pendant trois jours (du 8 au 10 juillet 2025), l’hôtel Marriott de Kigali a été le carrefour d’un renouveau discret mais ambitieux. La capitale rwandaise a accueilli la première promotion du programme exécutif de l’African School of Governance (ASG). Soutenue par des figures continentales de premier plan, cette institution entend sortir de la simple rhétorique du leadership pour en faire un levier concret de transformation politique et économique en Afrique.

Si les programmes de gouvernance fleurissent sur le continent, rares sont ceux qui affirment, dès leur lancement, une volonté aussi claire d’enraciner les pratiques de leadership dans les réalités africaines, sans pour autant renoncer aux standards internationaux. Peut-on vraiment former les dirigeants dont l’Afrique a besoin ou s’agit-il d’un projet élitiste de plus, coupé des aspirations populaires ?

L’ASG pour repenser la gouvernance

Derrière la solennité des discours et la photo de famille des officiels, l’ASG porte en filigrane une interrogation fondamentale. Comment institutionnaliser une vision africaine de la gouvernance dans un continent encore trop souvent prisonnier des recettes importées ? Pour Hailemariam Desalegn, cofondateur et ancien Premier ministre éthiopien, ce programme est une réponse à la crise de légitimité qui ronge nombre d’États africains. En invitant des personnalités comme Dr. James A. Robinson, prix Nobel d’économie 2024 et spécialiste du développement institutionnel, l’école revendique un ancrage intellectuel solide, mêlant science économique, réflexion historique et pragmatisme politique.

En cela, Kigali n’est pas un choix anodin. Le Rwanda incarne pour certains un modèle de reconstruction et d’efficacité administrative, pour d’autres une forme de gouvernance musclée. Quoi qu’on en pense, le pays offre un terrain d’expérimentation unique où la stabilité apparente nourrit une réflexion de fond sur le rôle de l’État et le type de leadership nécessaire pour conjuguer développement économique et cohésion sociale. L’ASG veut capter cet esprit, tout en le questionnant, à travers un dialogue ouvert entre dirigeants actuels, décideurs émergents et experts de classe mondiale.

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Former une élite pour qui ? Les défis de l’inclusivité

Mais derrière la vitrine prestigieuse du Marriott de Kigali se cache un enjeu de taille. Ces programmes resteront-ils réservés à une petite élite technocratique, ou réussiront-ils à infuser durablement une nouvelle culture de la gouvernance dans les administrations nationales, les collectivités locales, et même dans la société civile ? Le risque de l’entre-soi n’est jamais loin. La présence d’intervenants de haut vol comme le professeur Kingsley Moghalu ou Donald Kaberuka est un atout.

L’ASG, pour tenir ses promesses, devra relever un double défi. C’est à dire rester accessible à de jeunes talents prometteurs au-delà des cercles de pouvoir traditionnels et produire un savoir applicable, au-delà des salles de conférence. C’est tout l’enjeu de son ambition panafricaine, celui de devenir une plateforme où s’expérimentent et se partagent des modèles de leadership adaptés aux réalités variées du continent, du Sahel aux métropoles côtières.

Avec ce premier programme exécutif, l’African School of Governance pose un jalon. Reste à savoir si ce sera une pierre fondatrice d’une nouvelle génération de dirigeants plus éthiques, plus stratèges, et plus ancrés dans la réalité de leurs concitoyens ou bien un énième sommet où les bonnes intentions se noient dans l’entre-soi diplomatique et les réseaux fermés. Kigali, symbole d’un certain pragmatisme africain, offre à l’ASG un contexte unique pour faire ses preuves. L’Afrique de demain se construira sans doute à travers ces espaces de formation, mais aussi et surtout à travers la capacité de ces leaders à déverrouiller les énergies locales et à faire confiance aux sociétés qu’ils gouvernent. L’ASG ouvre une porte. Aux participants désormais de montrer qu’ils sauront la franchir pour transformer durablement leurs nations.

 

Tony A.

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