Sécurité au Maghreb : Tunis et Alger unissent leurs armées face aux menaces régionales
Alger et Tunis franchissent une nouvelle étape dans leur coopération militaire. Le mardi 7 octobre, les deux capitales ont scellé un nouvel accord de défense, signé à Alger par le chef d’état-major algérien, Saïd Chengriha, et son homologue tunisien, Khaled Sehili. Cet engagement bilatéral vise à consolider la coopération en matière de sécurité, de formation et d’échanges stratégiques. Il s’inscrit dans la continuité de l’accord de 2001, mais s’en distingue par son ambition et son contexte géopolitique inédit.
La signature de ce pacte intervient alors que le Maghreb et le Sahel traversent une période de fortes turbulences. Il s’agit entre autres de l’instabilité politique en Libye, des tensions diplomatiques persistantes entre Alger et Rabat, l’expansion des groupes armés dans le sud saharien. Dans ce climat de vulnérabilité, la Tunisie et l’Algérie affichent une volonté claire. Celle de construire un front commun de stabilité et de coopération face aux menaces partagées.
Une alliance militaire aux dimensions stratégiques et politiques
Pour Alger, ce rapprochement avec Tunis répond à un double impératif : consolider sa profondeur stratégique à l’est et s’imposer comme pilier de la sécurité régionale. En renforçant la coordination militaire, l’Algérie cherche à verrouiller sa frontière de plus de 1 000 kilomètres avec la Tunisie, souvent utilisée par des groupes terroristes ou des réseaux de contrebande. Cet accord pourrait ainsi permettre une meilleure surveillance des zones frontalières et une mutualisation du renseignement militaire.
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Du côté tunisien, l’enjeu est tout aussi crucial. Confrontée à une crise économique profonde et à un contexte politique interne incertain, la Tunisie trouve dans cette coopération un moyen de consolider son appareil sécuritaire tout en réduisant sa dépendance à l’égard des partenaires occidentaux. En diversifiant ses alliances militaires, Tunis affirme une politique étrangère plus équilibrée et souveraine, privilégiant la proximité régionale à la tutelle extérieure. Mais au-delà de la défense, ce rapprochement traduit aussi un message politique : celui d’un Maghreb central qui choisit la solidarité face aux divisions et à la compétition d’influences étrangères sur le continent africain.
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Vers une recomposition des équilibres au Maghreb et au Sahel
Cette nouvelle entente militaire pourrait redessiner les équilibres régionaux. En effet, elle intervient alors que le Maroc renforce ses partenariats sécuritaires avec Israël et certains pays occidentaux, accentuant la rivalité maghrébine. Le pacte tuniso-algérien se présente dès lors comme une contre-dynamique : celle d’une coopération Sud-Sud, fondée sur la proximité géographique et la défense mutuelle.
Par ailleurs, le Sahel, désormais au cœur des préoccupations sécuritaires, reste un terrain où les États du Nord africain cherchent à réaffirmer leur influence. En s’unissant, Tunis et Alger se positionnent comme acteurs incontournables dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière. Ce partenariat ouvre aussi la voie à une diplomatie de défense concertée, susceptible d’équilibrer la présence croissante d’autres puissances, notamment la Russie et la Chine, dans la région.
Enfin, cet accord illustre une évolution dans la manière dont les deux pays envisagent la sécurité : non plus comme une affaire strictement nationale, mais comme un enjeu régional global, où la coopération devient une nécessité stratégique. Le rapprochement militaire entre Tunis et Alger dépasse le simple cadre de la défense. Il symbolise une convergence politique, économique et diplomatique fondée sur une lecture commune des menaces et des opportunités régionales. À l’heure où les alliances se redéfinissent en Afrique du Nord, cette coopération ouvre la perspective d’un nouvel équilibre maghrébin plus autonome, plus solidaire et moins dépendant des influences extérieures. Si les défis à venir demeurent nombreux, cette alliance tuniso-algérienne pourrait bien devenir le socle d’un pôle de stabilité durable dans un Maghreb en quête de cohésion.
Tony A.