Sahofika : Madagascar prend le contrôle de son destin énergétique
Après plus de six ans d’attente, le projet hydroélectrique de Sahofika redémarre, cette fois avec un acteur-clé désormais impliqué au cœur de la machine : l’État malgache. Par l’intermédiaire du Fonds Souverain Malagasy SA, celui-ci a acquis 49 % des parts du consortium Neho, qui pilote la construction de ce qui s’annonce comme la plus grande centrale du pays. Un mouvement stratégique pour redonner vie à un chantier emblématique, dans un pays où 85 % de la population reste privée d’électricité.
L’enjeu est double. Il s’agit de produire à grande échelle une énergie propre et durable, tout en rassurant les bailleurs internationaux sur la volonté politique de Madagascar à tenir ses engagements. Car Sahofika n’est pas qu’un projet d’infrastructure. Il cristallise un tournant énergétique, diplomatique et financier majeur pour la Grande Île, à condition que les équilibres trouvés sur le papier survivent à la réalité du terrain.
Le pari stratégique du projet Sahofika
L’entrée de l’État malgache dans le capital du consortium répond à un besoin de crédibilité. L’adhésion de ce troisième actionnaire, aux côtés des groupes panafricains Themis et Eranove, envoie un signal de stabilité aux investisseurs. Ce nouveau montage ouvre potentiellement l’accès à des prêts bonifiés, un levier essentiel alors que le coût du projet hydroélectrique de Sahofikaest estimé à près d’un milliard d’euros.
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Les infrastructures prévues, barrage, tunnel hydraulique, conduites forcées, routes d’accès nécessitent une coordination rigoureuse et des moyens financiers durables. Le rôle de la Banque africaine de développement est central : à la fois cheffe d’orchestre du montage financier et garante en cas de défaut de paiement de Jirama, l’entreprise publique cliente de l’énergie produite. Cette garantie, peu fréquente dans ce type de projet, doit rassurer les partenaires financiers, même si la fragilité structurelle de la Jirama reste une ombre au tableau.
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Un défi industriel à concrétiser
Sahofika ambitionne non seulement d’augmenter les capacités énergétiques du pays, mais aussi de rééquilibrer son économie énergétique. En vendant l’électricité à un tarif autour de 10 centimes d’euros/kWh, bien inférieur au coût actuel (environ 30 centimes), le projet pourrait permettre à la Jirama de retrouver une certaine viabilité économique. Un espoir crucial, tant pour la santé financière de l’entreprise que pour les consommateurs malgaches, aujourd’hui contraints à l’intermittence ou à l’autonomie coûteuse.
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Les entreprises candidates à la construction, une turque, une chinoise et une portugaise sont désormais en compétition. Mais la clé du démarrage effectif des travaux, annoncé pour fin 2026, dépendra aussi du bon déroulement des travaux d’accès, déjà engagés. Le précédent des années de retard oblige à une vigilance accrue sur le calendrier et les engagements techniques.
Sahofika est plus qu’un chantier d’ingénierie. C’est un test grandeur nature pour la capacité de l’État malgache à conduire un partenariat public-privé stratégique et à bâtir une trajectoire énergétique souveraine. En intégrant directement l’actionnariat, Madagascar revendique un rôle de décideur, et non plus seulement d’arbitre ou de spectateur. Reste à voir si cette nouvelle posture saura faire école dans d’autres projets structurants et transformer durablement le paysage énergétique de l’île.
Tony A.