Crises oubliées : l’Afrique face à l’indifférence mondiale, un fardeau humanitaire silencieux
L’Afrique paie un lourd tribut au silence. Selon le rapport 2024 du Norwegian Refugee Council (NRC), huit des dix crises de déplacement les plus négligées au monde concernent des pays africains. Ce classement, dévoilé le 3 juin à Dakar, montre une réalité préoccupante. Il s’agit de l’invisibilité des souffrances humaines sur le continent face à l’agenda médiatique mondial, l’épuisement des financements humanitaires et l’inaction politique endémique.
En tête de liste, le Cameroun incarne la complexité des crises silencieuses avec des conflits multiples, déplacement de masse, réponse internationale apathique. Derrière lui, l’Éthiopie, le Burkina Faso, la Somalie ou encore l’Ouganda, qui porte seul le poids de la solidarité régionale. Ce rapport n’est pas qu’un classement. C’est une sonnette d’alarme sur l’oubli organisé d’un continent en souffrance.
Des crises humanitaires invisibilisées par la fatigue internationale
Le principal enjeu mis en lumière par le NRC est la combinaison toxique entre l’ampleur des besoins humanitaires et la maigreur des réponses. Au Cameroun, avec 1,1 million de déplacés internes et 500 000 réfugiés, moins de la moitié des financements nécessaires ont été mobilisés. Et ce malgré l’enchevêtrement de conflits : insécurité au nord, répression dans les régions anglophones, instabilité venue de Centrafrique. L’attention médiatique, quasi inexistante, en fait un épicentre oublié d’une urgence chronique.
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Ce schéma se répète au Sahel, en Afrique de l’Est ou dans la région des Grands Lacs. En République démocratique du Congo, le nombre de déplacés internes a franchi la barre historique des sept millions à mi-2024. Pourtant, la RDC passe de la 3e à la 8e place du classement, non par amélioration, mais faute d’intérêt persistant. Le risque majeur n’est plus seulement humanitaire : il est politique. À force d’ignorer les drames en cours, la communauté internationale alimente les foyers d’instabilité future.
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L’Ouganda et le paradoxe de la solidarité non reconnue
L’apparition de l’Ouganda dans ce classement, une première, illustre une autre facette de cette négligence : celle des pays qui endossent seuls la responsabilité régionale de l’accueil. Considéré comme un modèle en matière de politique migratoire, le pays héberge près de deux millions de réfugiés venus du Soudan, du Soudan du Sud et de RDC. Pourtant, son modèle est au bord de la rupture.
Malgré une ouverture remarquable, les ressources internationales destinées à l’Ouganda ne cessent de fondre, mettant à mal l’équilibre fragile entre hospitalité et viabilité. Le NRC alerte : si la solidarité n’est pas soutenue, elle se transformera en tension intérieure. Ce cas emblématique fait réfléchir : la communauté internationale valorise-t-elle réellement les bonnes pratiques africaines, ou ne fait-elle que les exploiter jusqu’à l’épuisement ?
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L’absence d’engagement structurel, de relais médiatique global et de pression politique internationale signe une défaillance systémique. Les crises africaines ne sont pas moins graves, elles sont moins visibles. Ce n’est pas une question d’urgence, c’est une question de priorité. Le rapport du NRC révèle une vérité dérangeante sur les crises. L’Afrique ne souffre pas d’un manque de résilience, mais d’un manque d’attention. Les crises de déplacement y sont nombreuses, complexes, mais elles sont surtout négligées par les bailleurs, par les médias, par les décideurs. Cette invisibilité chronique n’est pas un oubli passager, c’est une forme d’injustice structurelle. Face à cette réalité, le réveil des consciences est une urgence politique autant qu’humanitaire. Car derrière chaque ligne de ce classement, ce sont des millions de vies en suspens, privées non seulement d’aide, mais aussi de regard. Et il n’y a pas de solution durable sans visibilité.
Sandrine A;