L’UDB d’Oligui Nguema : un outil de refondation ou un PDG bis ?
Au Gabon, la transition militaire amorcée après la chute du régime Bongo franchit un cap hautement symbolique et stratégique. Samedi 5 juillet 2025, à Libreville, le président Brice Oligui Nguema a lancé l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB), son propre parti politique. Moins d’un an après le coup d’État d’août 2023, cette initiative marque la volonté claire de structurer et d’institutionnaliser son pouvoir au-delà du seul cadre militaire.
Le Palais des Sports de Libreville, rempli de milliers de sympathisants, a résonné comme une démonstration de force et d’adhésion populaire. Derrière les discours de refondation et de rupture avec les pratiques jugées opaques de l’ancien système Bongo, l’UDB se présente déjà comme le pilier d’une majorité présidentielle destinée à durer. Mais cette nouvelle dynamique suffira-t-elle à faire oublier la longue emprise du Parti Démocratique Gabonais (PDG) ?
L’UDB, une stratégie de légitimation par la base
Dès son discours fondateur, Brice Oligui Nguema a tenu à se démarquer du PDG en prônant une approche participative et inclusive. En annonçant l’instauration de primaires internes pour désigner les candidats, il tente de rétablir la confiance entre la base militante et les organes dirigeants, un point d’achoppement majeur de l’ancien régime où les choix politiques étaient souvent imposés de manière verticale.
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Avec pour devise « inclusivité, développement, félicité », l’UDB veut se poser en catalyseur de l’unité nationale et du redressement socio-économique. Une manière aussi de repositionner le récit de la transition. C’est à dire faire oublier l’image d’un putschiste pour valoriser celle d’un bâtisseur qui légitime son pouvoir par les urnes et la participation populaire.
La présence d’ex-cadres influents du PDG à l’assemblée constitutive révèle toutefois une continuité souterraine : pour rompre avec l’héritage Bongo, Oligui Nguema doit encore convaincre que le nouveau parti ne sera pas une simple réplique d’un système longtemps décrié pour son clientélisme.
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Un rapport de force à surveiller avec l’ancien système
La création de l’UDB rebat les cartes de l’échiquier politique gabonais. Elle met désormais le PDG face à un dilemme : se réinventer dans l’opposition ou se voir marginalisé par une force présidentielle qui capitalise sur l’aspiration au renouveau. Pour Brice Oligui Nguema, la manœuvre est double : verrouiller sa base politique tout en isolant d’éventuelles poches de contestation internes.
Mais la stratégie comporte des risques. Dans un contexte où la société civile attend plus qu’un simple changement de sigle, l’UDB sera jugée sur sa capacité à traduire ses ambitions en actes concrets : lutte contre la corruption, justice sociale et relance économique. Tout en canalisant l’énergie de sympathisants venus parfois d’horizons très différents, le nouveau parti devra éviter l’écueil de devenir un parti de circonstance, motivé uniquement par le maintien au pouvoir.
La question de la pluralité politique reste également posée. L’émergence de l’UDB ouvre-t-elle un espace réel pour la démocratie interne et l’alternance ? Ou ne fait-elle que consolider une transition militaire déguisée en projet politique ?
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Une transition qui se mue en projet durable
En fondant l’Union Démocratique des Bâtisseurs, Brice Oligui Nguema franchit un pas décisif pour transformer sa transition militaire en une gouvernance pérenne et organisée. Il s’agit d’une manœuvre classique mais habile pour toute junte soucieuse de se donner une façade de légitimité démocratique.
Si l’UDB réussit à convaincre qu’elle est plus qu’une étiquette politique de circonstance, elle pourrait bien incarner la renaissance institutionnelle d’un pays longtemps confisqué par un clan. Mais le chantier est colossal : restaurer la confiance, garantir des élections transparentes et construire un nouveau contrat social qui ne laisse personne au bord du chemin. L’histoire retiendra peut-être que Libreville, en ce 5 juillet 2025, a vu naître non seulement un parti, mais une nouvelle promesse de refondation pour le Gabon.
Tony A.