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Délestages prolongés à Antananarivo, les petits commerçants à bout de souffle

À Antananarivo, la capitale de Madagascar, la fin de la saison des pluies n’apporte pas seulement un soulagement climatique. Elle inaugure aussi une crise énergétique majeure. Depuis plusieurs semaines, les délestages s’intensifient, privant les habitants d’électricité parfois jusqu’à douze heures par jour. La cause ? Une sécheresse précoce qui a fortement réduit la production du barrage hydroélectrique d’Andekaleka, responsable d’environ un tiers de l’alimentation électrique de la ville.

Cette situation révèle à la fois la vulnérabilité du système énergétique malgache et l’impact immédiat de cette coupure sur la vie quotidienne, particulièrement pour les petits commerçants qui sont les premières victimes de cette instabilité. Dans un contexte où les ménages et entreprises peinent à s’adapter, le gouvernement mise sur une solution coûteuse à court terme. Il s’agit des centrales thermiques. Mais au-delà de ce palliatif, la crise énergétique d’Antananarivo invite à réfléchir sur la résilience des infrastructures et les conséquences socio-économiques d’une dépendance excessive à une ressource unique, face aux aléas climatiques exacerbés par le changement global.

La débrouillardise forcée des petits commerçants à Antananarivo

Pour Hery Razafindrazaka, gérant de la boulangerie-restaurant Nect’Art à Ankadifotsy, la vie professionnelle est devenue un exercice d’équilibriste. Avec quatre fours électriques à disposition, il ne fait fonctionner qu’un seul en permanence, pour éviter de déclencher une coupure au pire moment de la cuisson. « À chaque fois, on essaie de faire de la magie », confie-t-il, évoquant la gymnastique quotidienne pour ne pas gaspiller, malgré les coupures brutales et imprévisibles. Sa perte financière est tangible : un tiers des gains s’évapore dans ce contexte. Cette précarité touche directement ses quinze employés, dont la stabilité est menacée par cette incertitude permanente.

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À Andavamamba, quartier populaire d’Antananarivo, l’impact est tout aussi palpable. Marie Esther Ravaosolo, vendeuse de poisson, voit son activité s’effondrer car la chaîne de valeur dépend aussi de l’électricité. Sans électricité, ses clients, souvent des petits restaurateurs eux-mêmes en difficulté, ne peuvent plus travailler ni acheter ses produits. Sa commande de poisson est ainsi passée de 150 kilos tous les quinze jours à une quantité marginale, témoignant d’un cercle vicieux où l’instabilité énergétique freine la consommation et fragilise tout un écosystème économique local.

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Des solutions temporaires face à une fragilité structurelle

Consciente de la gravité de la situation à Antananarivo, l’État malgache opte pour une réponse immédiate. C’est à dire le recours aux centrales thermiques. Ces unités, fonctionnant au carburant, permettent de compenser la baisse de production hydroélectrique. Mais cette solution est coûteuse, dépendante des importations de carburant, et elle génère une empreinte environnementale accrue, en contradiction avec les engagements climatiques internationaux.

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À moyen et long terme, la crise d’Antananarivo révèle également la nécessité d’une diversification du mix énergétique malgache et d’une modernisation des infrastructures pour garantir une fourniture électrique stable et résiliente. Le changement climatique accentue l’aléa hydrique, rendant vulnérable une production dépendante d’un seul barrage majeur. Par ailleurs, l’impact économique direct sur les petits entrepreneurs pourrait fragiliser davantage un tissu commercial déjà fragile, creusant les inégalités et renforçant la précarité dans la capitale.

Les délestages d’Antananarivo sont bien plus qu’une simple nuisance quotidienne. Ils révèlent une fragilité structurelle majeure, amplifiée par les aléas climatiques, et dont les conséquences résonnent jusqu’aux petits commerces, véritables moteurs économiques locaux. La solution thermique à court terme montre les limites d’une politique énergétique insuffisamment anticipative. Face à ces défis, Madagascar est confrontée à un impératif vital : bâtir un système électrique diversifié, résilient et durable. C’est aussi un enjeu social, car derrière chaque coupure, c’est un maillon économique et humain qui vacille. L’heure est donc à la réflexion stratégique et à l’investissement, pour que la capitale ne soit plus le théâtre d’une lutte quotidienne contre l’obscurité.

Sandrine A.

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